[Acceptée]Alizarine - Le feu fait danser les ombres

Décidément Chymeria n'était vraiment pas de bonne humeur en ce moment. Cette horde de dinde sauvage se présentant à la taverne tantôt écervelée, tantôt beauté fatale qui n'avait jamais vue une dague, commençait vraiment à l'agacer. Ce lieu devenait le repère de toutes les nymphettes en manque de frissons. Elle souffla, regarda la nouvelle venue, encore une....

- 1,2,3, nous irons au bois, 4,5,6 t'écorcher vive....

Chymeria se drapa dans sa cape et laissa sa chanson en suspens.

- Je ne connaissais pas cette version...

Elle chantonna, un sourire en coin.

- 7, 8, 9, j'aimerais faire un veuf, 10, 11, 12, approche donc tantou.... oups, mauvaise rime

Elle se râcla la gorge avant de reprendre

-10, 11, 12,  Sors donc tes dagu..ouzes.

Elle grimaçât, cette dernière rime ne lui plaisait pas. Mais bon, les comptines n'ont jamais été son passe-temps favori

Elle n'écouta que d'une oreille et interpella la nouvelle

- Dis la cruche tu te crois où ?  Tu cherches quoi ? Un nouveau poulet à déplumer ?

Chymeria sortit sa dague et fit briller la lame à la lueur d'une bougie.

« Fillette », le terme l'a fit sourire. Du haut de ses 34 ans, cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas surnommée ainsi. La rouquine écouta la Craette souffler plus fort qu'un chacha qu'on dépèce. Puis, elle vit les yeux du Crâ se poser sur elle. Elle voulut lui demander s'il faisait les mêmes pour homme, ou s'il s'en servait pour éclairer sa serrure à la nuit tombée. Mais, il ne ressemblait pas à quelqu'un qui apprécie les pointes d'humour. Sa main au feu que les seules pointes qu'il aimait, étaient celles de ses dagues. A plus forte raison, si elles en venaient à la traverser, elle. Le Crâ l'a mis mal à l'aise. Ce sourire, elle le connaissait bien : un sourire de prédateur. Un de ces sourires qui reste figé sur les lèvres mais ne monte jamais jusqu'aux yeux.

Elle appuya son menton sur sa main, laissant sa manche échancrée glisser jusqu'au coude. Un bracelet de cuir ornait son bras, du poignet jusqu'au milieu de l'avant-bras. Un œil avisé aurait remarqué le manche de dague qui s'y cachait. Elle était certaine d'être face à quelqu'un d'avisé, ou du moins assez pour le remarquer. Elle regarda la Shuligan et lui répondit d'un ton neutre :

- Dans une taverne, je cherche à boire tranquille et je ne comprends pas ta métaphore culinaire, en un seul mot, à sa juste valeur, j'en ai bien peur...

Son regard revint sur Wolf :

- Toi, tu poses les bonnes questions », avec un sourire aussi sincère que l'accueil était chaleureux. « Ce qui m'amène ici, c'est une rumeur. Des histoires d'ombres d'araignées ou de créatures nocturnes avec une araignée au plafond, ça dépend des versions et des conteurs.
Votre toile s'étend peu à peu, il m'a suffit de trouver un fil même infime et de remonter jusqu'à cet endroit. J'ai mis quelques semaines mais il me suffisait de ne pas lâcher ce fil pour trouver le nid. Et je l'ai trouvé, aucun doute possible.
Quant à l'audace... Que dire ? Pour entrer, un pas, puis un autre, et encore un autre. Rien de plus facile. Je compte même utiliser cette technique pour sortir d'ici, figures-toi ! Mais pour ça, il faudra que j'intègre vos rangs. Cette histoire de « mort certaine », je trouve ça tellement surfait. Et je trouve la mort si... définitive.

Un petit rictus moqueur traversa son visage l'espace d'un instant.

(HRP: Bon j'en ai marre de ne pas pouvoir participer aux candidatures parce que Bery' est censée être dans les limbes, donc on imagine que par le plus grand des hasards, ça se passe avant son départ, à moins que ça ne dérange ? Et je précise juste qu'étant sur Stan chéri, je peux pas faire de mise en page correcte, donc il faudra se contenter de celle-ci.)

Beryael était dans un soin sombre de la pièce, avant son départ dans les limbes, elle s'était rachetée une guitare. Ne sachant pas à quoi s'attendre dans le Royaume des ténèbres de Gotthyka, elle avait préféré avoir quelque chose la ramenant à sa vie dans le monde humain, juste au cas ou. Alors qu'elle grattait les cordes de son instrument flambant neuf, une femme entra dans la taverne pour aller vers le comptoir où elle commanda un verre de rhum. Cette femme était belle, réellement belle, une beauté sauvage comme on en faisait plus, telle que la jeune fille n'avait pas souvenir d'avoir croisé une femme comme ça depuis... Depuis sa rencontre avec sa mère adoptive en fait. Mais ça ne serait pas la beauté de la nouvelle venue qui lui permettrait d'échapper aux ombres morbides qui dansaient une danse macabre dans la pièce.

Chymeria se mit à chanter, et l'arrivante poursuivit sa chanson d'une manière maladroite, ce qui eut pour effet d'énerver encore plus qu'elle ne semblait l'être déjà la Shuliganne. Wolf fit ensuite son apparition, et se mit à questionner la disciple d'Osamodas. Yael était de plus en plus lassée de cette routine à la taverne, des gens qui venaient, qui déclaraient ouvertement vouloir rencontrer les terribles Shuligans et qui avaient parfois la chance de pouvoir rejoindre leur rang. Même si aux yeux de la vampire, quelqu'un qui venait à leur rencontre d'une manière aussi peu discrète ne méritait pas d'élargir la guilde. C'était pourtant l'une des qualités requises, la discrétion... Si les postulants voulaient rencontrer les Shuligans, ils devraient faire preuve de discrétion...

Cependant la réponse que la femme apporta aux questions de Wolf plut à la jeune fille qui se remit à jouer un petit air qu'elle avait composé quelques années auparavant, exactement au même endroit où elle se tenait en ce moment même. Elle attendit un certain temps avant de lever les yeux vers le plafond pour apercevoir sa camarade vampirique sur une poutre de la taverne. Celle-ci semblait décider d'attendre, bien, Beryael commencerait donc avant elle. Elle reposa sa guitare délicatement par terre et se redressa en remettant une mèche bouclée d'un rouge profond derrière son oreille. Elle s'avança vers le comptoir et en un regard noir vers le tavernier, ce dernier comprit qu'il devait s'en aller. Vite.

A présent qu'il ne restait plus que des membres de l'organisation dans la pièce, elle pouvait commencer son travail et en s'asseyant à côté de la femme, elle lui demanda d'une voix calme qui pourrait presque paraître amicale si elle n'était pas accompagnait d'un regard froid et d'un visage couvert de sang :

-Et pourquoi...

Elle s'arrêta, se souvenant des règles de politesse qu'on lui avait enseigné au palais à Otomaï. C'était ridicule, mais même si elle faisait partie des personnes les plus recherchées du monde des 12, elle tenait à rester un minimum courtoise. C'était vraiment pathétique, elle se mordit la lèvre, mais elle y tenait malgré tout.

-Suis-je bête, murmura-t-elle, je me présente, Beryael Nis'Hintar, et toi qui es-tu ? A qui avons-nous l'honneur ?

Bery' marqua une pause pour laisser le temps à la femme de répondre ou de réfléchir à sa réponse, et reprit, en posant directement la question qu'elle s'était empêchée de poser une minute auparavant.

- Et pourquoi donc souhaiterais-tu intégrer notre toile, pour reprendre ta métaphore ?Par pitié sois un minimum créative dans ta réponse même si c'est un mensonge que tu dois me dire, les histoires de vengeance m'ennuient énormément et je ne pense pas être la seule dans ce cas...

Elle se pencha ensuite plus près de la trentenaire, un discret sourire fou au visage, pour lui murmurer doucement.

-Quand on commence à s'ennuyer, il faut trouver un moyen de s'occuper, et je pense que tu n'as pas envie d'être ce moyen...

L’Osamodas fût presque surprise… De la politesse ? Elle s’était attendue à l’intimidation, aux menaces… Elle fut presque prise de court. Presque…
- Pourquoi ? Elle marqua une pause assez longue pour les agacer, ce qui se révéla assez court.
Un signe d’impatience et elle répondit :

- Oh ? C’est le moment où je sors la carte mélodramatique ? Soit ! J’adore raconter des histoires !
Elle se leva et monta sur le comptoir. Du pied, elle dégagea des choppes qui trainaient là.

- Comme toute histoire commence par « il était une fois »… Il était une fois, commença-t-elle d’une voix puissante, une petite fille qui naquit en Amakna dans une famille aimante. A cette époque pas si lointaine, n’exagérons rien, on ne nommait pas ses enfants avant l’âge de deux ans, de peur de le faire pour rien. Cette poupée était si rousse que ses parents, braves gens, la prénommèrent Alizarine. Si vous voulez mon avis de conteur, ils auraient pû prendre quelques années supplémentaires pour choisir… Mais je m’égare. Puis la guerre vint et avec elle, son lot de massacres. »

Son air était sérieux, dramatique.

- Ses parents furent tués par des Bontariens. La gamine avait dix ans, elle réclama justice. Mais le Roi ne la reçut jamais en doléances. Alors, elle réclama vengeance. Mais sans le sou, les Sérianes restèrent sourds à ses supplications…

Alizarine s’arrêta, regardant tour à tour les Shuligans. Elle éclata de rire à s’en tirer les larmes. Bien évidemment, les menaces de Beryael avaient eu leur petit effet mais l’occasion était trop belle.

- Faites pas ces têtes-là, je plaisante ! Vous êtes crédules pour des sociopathes… Soyons sérieux cinq minutes ou un peu plus, à votre guise.

Elle reprit contenance, mais on lisait sur son visage qu’elle était fière de son coup. D’un bond, elle quitta le comptoir et reprit :

- Oui ! Donc !  Pourquoi ? Et pourquoi pas ? La chute d’Allister est le but ultime de votre quête, mission, peu importe le nom que vous lui donnait. Ce n’est pas mon but, enfin si ça l’est en  partie. Je m’explique… Pour moi, ce n’est qu’une étape vers autre chose, vers quelque chose que je recherche avidement . Alors, c’est donnant-donnant ! J’aiderai les Shuligans à abattre le Grand Berger, le Roi Allister et tout son système puisqu’il n’est même pas foutu d’avoir un héritier légitime. Et lorsque nous réussirons, de fait, les Shuligans m’auront aidé dans mon… projet. Tout le monde y gagne et c’est ce qui importe, non ?

Sa voix se tût, mais son regard était enflammé. Pas d’entourloupes cette fois, ils connaissaient les raisons de sa présence.

- Provocante, tout de suite les grands mots ! Ludique me semble un terme plus adéquat.

Le sourire taquin muta en quelques instants en un sourire beaucoup moins agréable. Si elle avait réussi à afficher une certaine sante mentale (suicidaire, certes, mais consciente), l’évocation de son ambition fissurait le masque. Dans ses yeux, brillait quelque chose de malsain sans qu’on sache trop quoi. Elle murmura à l'oreille de Stazia :

- Ce que je veux, c’est le Chaos.

L'Osamodas le dit sur un ton à glacer le sang d’un Frigostien. Elle s'écarta et parla plus fort. Elle invoqua une flamiche au creux de sa main, puis en soufflant délicatement dessus, celle-ci prit de l’ampleur au fond de sa main.

- Ce que je veux, c’est embraser ce monde. Ce que je veux, c'est une guerre civile à faire rougir de honte les Cités jumelles de leur pseudo-apogée. Une guerre civile à faire pâlir d’envie les alliances et leurs petites escarmouches. Je veux les armes, les cris et les pleurs. Je veux la peur et le sang partout, tout le temps. Je veux que ce continent trop sage, trop sûr, trop ordonné, sombre dans la folie et le chaos. Je veux voir la conquête du pouvoir se faire au grand jour sans remords, sans pitié, pour personne, jamais.

Elle regardait avec fascination le feu lui lécher les doigts sans la brûler.

- La chute d’un régime, quel qu’il soit, entraine son lot de désordres. Je compte sur les puissants de ce monde pour m’offrir ce spectacle…Et les aider un peu s'ils peinent à me divertir. Je compte sur les Shuligans pour mettre le feu aux poudres en tuant notre bon Roi. Je veux raconter des histoires qui soient… amusantes. Et ce monde ennuyeux me coupe l’inspiration.

En prononçant le dernier mot, Alizarine ferma le poing. La flamme disparût au creux de sa main, et les quelques traces de démence s’éteignirent en même temps au fond de ses yeux.

- Et pour vous aider dans cette tâche, je vous propose mes services et compétences

Il y avait des jours ternes et maussades, d'autres ennuyeux à mourir et les derniers venus à la taverne y avaient contribué pour beaucoup... Mais des fois la vie, les dieux ou le destin - appellez ça comme vous voulez - vous permettait d'avoir une de ces journées étincelantes, flambloyante même!

Il suffisait d'un petit rien.
Pour certain c'était le rire d'un enfant, pour d'autre le déhanché sensuel ou le clin d'œil d'une serveuse.
Pour lui, c'était les paroles qu'il venait juste d'entendre.
Le chaos, le feu, le sang, les cris de peur et les pleurs.
Tous les mots de cette belle flammiche rousse résonnèrent dans sa tête comme un écho à ses propres souhaits.
Il en eu presque le poil hérissé de désir.
A croire que cette Osamodas était le reflet de son âme... Mais avec des formes...

Il sauta de la poutre sur laquelle il était perché et d'où il avait suivit le spectacle hilarant de cette inconnue et sans un bruit, sans un mot, il se dirigea droit vers elle.

Il se planta droit devant elle, la regarda un long moment avant de pointer son index à quelques centimètres de se nez et déclama d'une voix forte :

"TOI! JE TE VEUX!!!"

Il avait faim..
Mais pas comme les autres fois...

Il avait faim de Chaos!

Liza' l'avait senti. Des picotements dans la nuque, la chair de poule incontrôlable. Plus qu'à aucun moment depuis qu'elle était théâtralement entrée dans la taverne, elle n'avait senti le danger aussi puissamment. Lorsque le maître des lieux se dirigea vers elle, son premier réflexe ne fût pas de sortir une dague, à sa surprise et honte, mais de reculer d'un pas. Et, il lui avait fallu toute sa volonté et tout son ego pour ne pas en faire un deuxième. Il la fixa simplement. Le rythme cardiaque de l'Osamodas qui par instinct s'était accéléré, commença à ralentir. Après quelques instants, ne quittant pas le Sacrieur des yeux, elle entendit sa voix caverneuse lui dire qu'il la voulait... La perplexité fit perdre de sa superbe à la rouquine mais elle se reprit.

Le Grand Méchant Meulou était sorti du bois bien plus tôt qu'elle ne le pensait. Un sourire en coin, elle le salua en inclinant légèrement la tête. La surprise la laissa sans voix assez de temps pour permettre aux autres Shuligans présents d'en placer une. Elle posa doucement la main sur celle de Clydhe et lui abaissa.

- Les personnes bien élevées ne pointent pas les gens, du doigt.

Elle salua l'assemblée, à la façon d'un comédien en fin de représentation. Et avec un sourire satisfait : « A vos ordres ! »