[Background de Clydhe] La Chasse...

Brakmar.
La Cité Sombre.
Le repaire des voyous et des malandrins, des voleurs et des assassins.
Le parfait terrain de chasse...

Une ombre, plus noire que celles de cette nuit sans Lune, sauta d'un toit à l'autre.

Si on avait pu la distinguer, on aurait certainement aperçu des yeux injectés de sang et des canines plus longues que la normale.
Si on avait pu l'entendre, on aurait certainement discerné une respiration courte et des grognements bestiaux comme si une bête ce cachait sous cette cape.
Si on avait pu la sentir, on aurait été frappé par cette odeur de sang et de mort qui trainait dans son sillage.

Encore un saut au dessus des toits.

Il avait faim...
Très faim...

La Faim...

Il la connaissait depuis maintenant bien plus de temps qu'il n'aurait pu l'imaginer.

C’était il y a longtemps...
Dans une Brakmar proche de celle qu'il arpente aujourd'hui.
Pendant une nuit proche de celle qui s'écoulait devant lui.

A l’époque, il n’était qu'un simple gredin, un criminel de bas étage.
Un sacrieur fier de faire partager la douleur...
Surtout celle des autres...
Il tuait certes...
Pour le plaisir des fois...
Mais il ne vivait que de petits vols, racket et cambriolage.
Une vie de gredin qui lui permettait de survivre depuis son plus jeune âge.

Bonny et Qixinon étaient ses frères d'arme dans leur petite entreprise florissante.

Bonny, une Sram à la peau ébène et aux cheveux blé d'or.
Aussi belle que vénéneuse... Experte en poison en tout genre, aussi foudroyants que mortel.
Bonny...
la Succube de ma vie...
Mon autre vie...

Il s'arrêta, accroupi sur l'une des gargouilles de la ville, à scruter les rues en contrebas, recherchant de quoi rassasier sa Faim...
Il renifla l'air pour déceler cette odeur si particulière qui donnait ce petit goût aigre...

La peur...

Qixinon était quand a lui un Xelor, mégalomane et complètement fou à cause de ses recherches sur l'espace et le temps, c'était un allié... imprévisible qui pouvait être mortel aussi bien pour ses ennemis que pour sa propre personne...

C'était ce satané Xelor le responsable...

Il se suspendit a la gargouille et, d'un coup de talon sur le mur, se projeta de l'autre côté de la grande artère.
Ici il n'y avait qu'ivrognes et prostituées, et il n'était pas d'humeur à se rassasier sur ces déchets de la société.
Il prit la route du quartier des Bijoutiers, là ou vivait la noblesse brakmarienne...

Cette nuit la, Qixinon eu une idée...
L'une de ces idées qui aurait pu lui faire tuer père et mère, s'il ne l'avait pas déjà fait, pour le laisser accomplir ses desseins...

Invoquer des Shushus grâce à un cristal de roche noire.
Tss... Une idée que seule un esprit malade pouvait couver...

Son expérience se déroulait comme prévu et un portail s'ouvrit...

Il sauta encore de toits en toits, jusqu'à arriver au quartier tant attendu. Il savait qu'il était arrivé au bon endroit lorsque qu'il entendit un cri déchirer la nuit éternelle de la Cité Noire.
On agresse une femme...

Tout se déroulait comme prévu...
Sauf que Qixinon, dans un élan de cupidité digne d'un Enutrof, n'avait pas juger bon de prendre un cristal pur...
Et ce qui devait arriver arriva.

Le cristal se brisa en mille petits morceaux tranchants qui vinrent lacérer les chairs de ceux qui se trouvaient dans la pièce.
Mais le pire c'était le portail...
Le portail qui devenait de plus en plus instable

Il essaya de se rapprocher de la source du cri.
Il pouvait désormais entendre les talons de la jeune femme qui martelaient les pavés de granit.
Elle fuit comme si sa vie en dépend...

De plus en plus instable...
Jusqu'au point de rupture.
Le temps sembla alors ralentir pour doucement s'arrêter.
On pouvait voir partout les bouts tranchants de la pierre qui avait explosé rester en suspens dans l'air.
Le corps déchiqueté de ce qui fut un Xelor mégalomane flottait dans l'air comme une bulle de savon de sang. De l'autre côté Bonny avait été projetée contre une armoire pleine de ses fioles et restait en apesanteur dans ce mélange de liquides corrosifs.
Et lui, il avait éviter de justesse ce qui fut un miroir, aussi coupant qu'une lame de Sram, mais son visage fut tout de même touché par l'un des débris qui lui lacéra la joue comme lorsqu'il s'amusait a torturer ses victimes.

Le temps s'arrêta.

...

Puis il accéléra, a une vitesse vertigineuse.
Ce qui restait du corps de Qixinon fut aspiré par le vortex dans un silence assourdissant.
Puis vint le tour de la table et des fioles de poisons.
Le corps de Bonny, inconsciente et gravement mutilé fut aspiré a son tour comme une vulgaire poupée de chiffon disloquée, brisant les derniers os qui lui restaient encore intact.
Il aurait voulu faire quelque chose.
S'aggriper quelque part.
Échapper à ce funeste sort.

Il fut aspiré comme le reste de la pièce.

Il pouvait distinguer les voix de deux hommes - non, trois - qui poursuivaient la jeune femme terrorisée.
Elle tourna dans une ruelle plus étroite mais qui devait certainement déboucher dans une avenue qui mènerait au centre-ville.
Et au bout de cette avenue se trouverait sûrement son seul salut, le Zaap.

Ce qui suivit, il ne pourra jamais le décrire véritablement.
Beaucoup de légendes en parlaient, mais pour lui ce ne fut que douleur, souffrance torture et résurrection pour recommencer ce cycle insoutenable, même pour un disciple de Sacrieur...
Il était tombé dans ce que les érudits appellent la Shukrute, la dimension des Shushus de Rushu, des démons impitoyable...

On lui arrachait la peau et les os.
On les lui broyait les membres, lui découpait les muscles, fibre par fibre, on le noyait dans des marres de sang bouillant.
Tout ça pour qu'il se réveille le lendemain, guérit, prêt a subir encore ces violences psychiques et corporelles.

Et ça dura une éternité...

Il poursuivait toujours ces prédateurs urbains du haut des maisons de la cité nocturne.
Leur proie perdait peu a peu du terrain a mesure que la chasse se prolongeait.
C'est bientôt l'heure...

Une éternité peut paraître bien longue lorsqu'on se fait torturer heures après heures, jours après jours.
Mais le pire dans une éternité de souffrance et de torture, c'est quand on commence a s'y ennuyer...
Se faire trancher les veines? Pourquoi ne pas le faire a la petite cuillère?
Se faire crever les yeux? Oui mais avec du fer chauffé à blanc!

Une éternité, quelle qu'elle soit, qu'on s'y amuse ou pas, c'est long... Surtout vers la fin...

C'est alors qu'il décida de s'échapper.
Son esprit mutilé par des sévices innombrables avait cessé de réagir.
On aurait dit un animal, presque aussi démoniaque que ses geôliers.

Ses chaînes de ronces pouvaient lui lacérer la moindre parcelle de son corps meurtri : il ne sentait plus la douleur, ou du moins il l'avait adopté, elle faisait partie de lui.
Se casser les poignets et les chevilles pour se libérer avaient été aussi facile que trancher la gorge d'un nourrisson.
Ce fut moins aisé lorsqu'il essaya de briser le cou de l'un de ses gardiens qui en était dépourvu anatomiquement...

Et au moment où il allait lui donner le coup de grâce, un vortex spatiaux temporel s'ouvrit derrière lui et le happa, lui et son ennemi.

Encore à droite, puis à gauche puis de nouveau à droite.
La fille essayait tant bien que mal de se défaire de ses poursuivants en faisant tomber les étals des marchants ambulants a mesure qu'elle les croisait, mais ses agresseurs gagnaient inexorablement du terrain et elle paniquait de plus en plus.

La première chose qui le frappa lorsqu'il ouvrit les yeux, ce n'était pas le vent glacial qui cinglait son buste nu, mais une odeur âcre, entêtante, celle du sang et de la mort.
Il pensait être sur un champs de bataille vu le nombre de corps en décomposition qui jonchaient le sol.
Mais il n'était pas dans une plaine vierge.
Non...
Il avait atterri en Amakna et se trouvait place de la fontaine...

Il entendit bouger derrière lui.
C'était une enfant, de sept, peut être huit ans, qui avançait vers lui en titubant. Elle marmonnait quelque chose d'inaudible.

A mesure qu'elle approchait, il pouvait entendre ce qu'elle disait...

A gauche, puis a droite, puis... plus rien du tout.
Elle était dans une impasse...
La jeune femme se retourna pour faire face à ses attaquants.
Elle devra se battre coûte que coûte pour espérer sauver sa vie.
Les trois gaillards essoufflés parvinrent enfin a rattraper cette petite allumeuse.
Elle avait pris un manche de balai pour se défendre et les sommait de ne pas approcher.

Plus elle s'approchait, plus il distinguait des détails dérangeants qu'il n'auraient jamais du trouver sur une gamine de son âge...
Tout d'abord, elle portait des haillons, mais même lui quand il était orphelin dans les rues de Brakmar à voler les passant n'avait jamais eu des habits en aussi piteux état...
Ensuite, elle était couverte de sang...
Et à la vue de certaine tâches on aurait pu dire qu'il avait été la depuis plusieurs semaines...
Et enfin, le plus troublant était ce qu'elle traînait derrière elle...
La tête arrachée de son geôlier d'une main et une énorme hache maculée de sang noir de l'autre...

"Du sang pour Oto Mutsam, Saigneur de ce Monde"

Il regardait la scène du haut de son toit.
D'un côté trois gros bras armés de dagues prêts a en découdre mais trop pleutre pour s'attaquer a leur frêle victime.
De l'autre, une jolie femme, presqu'en robe de soirée, maquillée, pouponnée, certainement une bourgeoise qui rêvait de s'encanailler, prête a en découdre pour sauver les quelques bijoux et Kamas qu'elle avait sur elle ainsi que sa dignité de femme.
C'est alors que le plus courageux des bandit lança son attaque.

Il se dérobait sous les coups de hache que la fillette portait avec une force insoupçonnée.
Sans arme, les poignets et les chevilles qui venaient tout juste de se régénérer, faculté qu'il avait hérité de son passage dans la Shukrute, le combat était inégal.

Chaque coup porté lançait des gerbes d'étincelles en touchant le sol.
Il attendait le bon moment pour contre attaquer...

Encore un coup de hache évité puis il s'élança vers la fillette avec comme seule arme ses ongles sales et se dents.
La petite avait une force colossale et il pouvait a peine rivaliser avec elle.
Puis quelque chose le frappa dans le regard de la petite...
Un lueur au fond des yeux...
Malsaine...
Cruelle...
Démoniaque...
D'un coup il avait tout compris.
Pendant son passage chez les démons, il avait un peu étudié leur fonctionnement pendant ses trop rares moment de repos et il appris que l'âme et les pouvoirs d'un démon étaient transférés à son tueur lors de sa mort...
Cette fillette, il ne savait pas comment, avait réussi à tuer un démon trois fois plus grand qu'elle et en voulait maintenant a sa vie...

Un coup dans le genou, un autre dans la tempe et un dans le bas-ventre et le bandit se retrouva le postérieur sur le pavé détrempé à cause de la pluie qui avait commencé a tomber.
Leur larcin facile s'avéra beaucoup compliqué que prévu, et ils n'aimaient pas ça du tout.

Comment trois brigands de leur envergure pouvaient se laisser maîtriser de la sorte par une bourgeoise?

Du haut de son toit, il continuait à regarder la scène, non sans saliver d'envie...

La Faim...

Elle devenait de plus en plus vive, de plus en plus pressante mais surtout de moins en moins contrôlable...

Les prédateurs prirent donc la meilleure décision de leur journée : attaquer en même temps cette biche apeurée.

La gamine tentait de se défaire de son étreinte pour pouvoir lui enfoncer sa hache dans le crâne et lui libérer la pulpe cervicale.
Sa force était telle qu'à chaque coup de pieds et de poing qu'il recevait, il sentait ses os se casser un à un de plus en plus.
La douleur était telle qu'il cru mourir plusieurs fois.
La fillette se débattait de plus en plus fort avec de plus en plus de rage et dans un dernier effort il réussi à lui arracher la trachée a coup de dents...

L'hémoglobine giclait de la gorge de la petite fille a mesure que son cœur pompait le sang.
Il en était recouvert mais se sentait enfin soulagé, la douleur s'estompait a mesure que ses os se régénéraient.
Un goût métallique vint glisser dans sa bouche et bien qu'il savait de quoi il s'agissait, il n'en fut pas dégouté, au contraire...
Il sentait son corps devenir plus puissant à chaque goutte ingurgitée.
Il lécha d'abord ses lèvres puis ses doigts, ses mains, ses avant bras.
Il sentait la puissance du démon entrer en lui et ce démon avait faim.
Faim de sang...

Les trois agresseurs commencèrent a encercler leur victime qui agitait fébrilement le manche a balai pour les tenir a distance et dans un assaut simultané, ils s'élancèrent et l’immobilisèrent abattant d'un coup ses dernières défenses.

La Peur repris le dessus.
Il la sentait du haut de sa corniche.
Ça ne va plus tarder...

Pendant plusieurs semaines, il tua et égorgea, démembra et étripa quiconque avait l'audace de s'attaquer a lui.
Et dans ce monde, abandonné par les Dieux, ou l'esprit d'Oto Mutsam régissait les règles, toute mort était un aller simple vers le néant.
Pas de limbes, pas de phénix comme il en avait l'habitude dans son univers d'origine.
C'est cette particularité qui donnait a ses combats un petit goût de désespoir fort appréciable.

A mesure qu'il tuait, il devenait de plus en plus puissant mais cette puissance demandait encore plus de mort et de sang si bien qu'il ne su plus s'il tuait pour manger ou s'il mangeait pour tuer.
Il était devenu autre chose qu'un humain sans être complètement un démon, une créature hybride qui se nourrissait du sang et de la souffrance de ses victimes.
Il était devenu un prédateur.
Le prédateur ultime...

Les trois lascars s'amusaient avec leur victime, lui coupant les lacets de son corset un à un ou en lui léchant le cou comme on aurait lécher une glace en pleine canicule.
Ils lui arrachaient ses vêtements comme on ouvre un paquet cadeau.
Elle pleurait connaissant très bien son destin.
Elle pleurait et elle avait peur...
Elle savait que le moment était venu...

Une ombre plus noire que les autres s'élança du toit et atterrit dans la ruelle dans un fracas de pavé assourdissant...
Puis se releva lentement...
Très lentement...

Le sang, la puissance et la mort, trois compagnons qui le suivaient pendant ses voyages dans ce monde déserté par l'espoir ou le bonheur.
Et même si ça l'amusait au début, il en fut vite lassé.
Les gens désespérés n'ont plus peur puisqu'ils n'ont plus rien à perdre.

Il décida donc de se trouver un autre terrain de jeu.
Avec les connaissances acquises même temps que sa puissance démoniaque, il savait que le monde était vaste et les univers multiples et il savait même comment procéder pour accéder à tous.

Un terrain de chasse infini, et des milliers d'âmes à torturer...

L'ombre se releva très lentement...
Et lentement elle craqua les os de sa nuque comme à son habitude semblait-il.
Les trois agresseurs avaient stoppé ce qu'ils entreprenaient quelques minutes auparavant et s'était retournés vers la silhouette qui leur bouchait la retraite...
Ils se regardèrent interloqués dans un premier temps puis passablement énervés de ne pas avoir pu finir leur besogne.
Derrière eux, leur victime en pleur, à moitié dénudée, assise dans les ordures de l'impasse, ne sachant pas d'où venait ce répit qui lui était accordé.

Les trois bandits, fous de rage, attaquèrent comme un seul homme en jurant et en beuglant tel des animaux enragés.

La première attaque fut portée dans le vent, l'ombre s'étant dérobée au dernier moment.
La deuxième, plus fructueuse, déchira un bout de la cape noire, là où quelques instant plus tôt c'était trouvé la silhouette.
La troisième... Il n'y en eu jamais.

La riposte avait été aussi vive qu'un éclair.

Le premier bandit, encore déséquilibré par son attaque, ne put éviter le coup de coude qui lui éclata le crâne comme vulgaire œuf tandis que le deuxième emporté par son élan alla s'empaler contre la main tendue, rigide comme un roc, qui venait à sa rencontre.

A la vue de tout ce sang, le troisième agresseur eu un mouvement de recul, mais buta sur quelque chose...
L'ombre était derrière lui...
Et lui vrilla la tête à tel point qu'elle se détacha du reste du corps dans une gerbe continue d'hémoglobine...

C'est fini...

L'ombre se retourna vers la jeune fille terrorisée et lui tendit la main.
Tremblante à la vie du massacre qui venait d'être perpétré, elle se releva, hésitante.

"Vous... Vous m'avez sauvé la vie... Qui... Qui êtes vous?"

Elle regardait l'inconnu qui se dressait devant elle, sous sa capuche, le souffle court.

Il laissa voir son visage, un visage d'ange à la peau ambré, un bandeau noir avec un symbole d'arakne.

"Qui... Qui êtes vous?"

Il sourit d'un sourire sadique presque démoniaque, et la fixa de ses yeux rouge sang.

"Je suis Clydhe... Je suis l'ombre de tes cauchemars... Et tu es ma proie"

Et il plus planta d'un coup les crocs dans la carotide dans une étreinte de constrictor, se délectant du nectar au goût métallique qui s'écoulait dans sa gorge pour enfin apaiser sa Faim...

Brakmar.
La Cité Sombre.
Le repaire des voyous et des malendrins, des voleurs et des assassins.
Le parfait terrain de chasse...

Mon terrain de chasse...